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DISPOSITIFS LOCAUX OU MESURES TEMPORAIRES CONTRE LES VIOLENCES CONJUGALES

S’inspirer de ce qui fonctionne et en tirer les enseignements.

La crise sanitaire actuelle, en imposant le confinement aux Français, a provoqué une surexposition des femmes et des enfants aux violences conjugales et intrafamiliales. Devant ce constat alarmant, l'Etat et les associations se mobilisent depuis 5 semaines maintenant pour venir en aide aux victimes.

La mise en place de dispositifs spécifiques, demandés depuis de nombreuses années par les associations d'aide aux victimes, à la faveur d'expérimentations locales ou de la nécessaire adaptation au confinement, met en lumière certaines conditions à une action efficace.

  • 1.La prise en charge des auteurs de violences : dépasser la justice punitive, un moyen efficace de lutter contre la récidive

En France une quarantaine de centres accueille des auteurs de violences conjugales. Selon la fédération nationale des associations et des centres de prise en charge d'auteurs de violences conjugales et familiales (FNACAV), ces centres permettent une baisse de 30% du taux de récidive.

Luc Frémiot, Procureur de la République à Douai est un des premiers à avoir défendu l'éviction du conjoint violent, en créant dès 2003, des places d'hébergement spécialement pour ces derniers.

Le centre Altérité, à Besançon, fournit également des logements aux personnes dans l'attente de leur procès, et aux auteurs déjà condamnés avec aménagement de peine.

Ils y restent de 2 à 4 mois, au cours desquels ils bénéficient d'un accompagnement psychologique. Cet accompagnement a notamment pour but de les responsabiliser et de les amener à comprendre comment ils en sont arrivés là.

Le Home des Rosati est également pionnier dans la prise en charge des auteurs de violences. Suite à une décision de justice, les hommes violents seront hébergés et pris en charge par des éducateurs pendant une durée minimale de trois semaines.

Alternative à l'incarcération, ces dispositifs permettent d'éviter un retour au domicile conjugal des auteurs, garantissant la sécurité des victimes ainsi qu'un accompagnement psycho-social visant à faire émerger une prise de conscience. Ces deux éléments sont des facteurs de lutte efficace contre la récidive. Ils coûtent également moins cher que l'enfermement, dont l'efficacité dans la lutte contre la récidive est fortement contestée.

Le CIDFF 92 Nord, qui anime depuis 2014 les stages de responsabilisation des auteurs de violences conjugales, en alternative aux poursuites et en post-sentenciel, rappelle la nécessité d'une telle prise en charge, les résultats étant plus que prometteurs.

Le Gouvernement a annoncé à l'issue du Grenelle des violences vouloir développer ce nouvel axe de la politique de lutte contre les violences, favorisant ainsi le maintien au domicile des femmes et des enfants. Un soulagement pour les associations, qui peinaient à trouver des financements et qui se retrouvaient jusqu'alors en concurrence sur les mêmes lignes budgétaires. En effet, à budget constant, le financement pour la prise en charge des auteurs était pris sur celui dédié historiquement à l'accompagnement des victimes.

La secrétaire d'Etat à l'égalité entre les femmes et les hommes et à la lutte contre les discriminations s'était engagée, avant la crise sanitaire liée au Covid-19 à cofinancer l'ouverture de deux centres par région à l'horizon 2022. Espérons que ce projet ne sera pas remis en cause.

  • 2.Protection des victimes de violences : augmenter les moyens pour limiter les contacts avec l'auteur

Du côté de l'accompagnement des victimes, la création par le conseil départemental de Seine- Saint-Denis de l'Observatoire départemental des violences faites aux femmes fait figure de pionnière en matière de projets innovants.

Il a notamment appuyé la mise en place des mesures d'accompagnement protégé. Ce dispositif est inspiré du modèle suédois. Il permet de recourir à une tierce personne lors de la remise des enfants en commun fixée par un droit de visite et d'hébergement par le juge. L'objectif est d'éviter les contacts entre l'auteur des violences et la victime, puisque nombreux faits de violences, voire de féminicides, ont lieu à l'occasion de la présentation des enfants. La mesure d'accompagnement protégé est aujourd'hui utilisée par les juges aux affaires familiales en Seine-Saint-Denis et à Paris.

D'autres juridictions mettent en place des procédures spéciales. C'est le cas du parquet de Saintes, qui expérimente une mesure de suivi renforcé entre le déferrement et le jugement de l'auteur.

Ce dernier doit remplir un plus grand nombre d'obligations auprès d'un agent recruté spécialement pour cela. Ce suivi débouche sur un rapport remis au juge au moment du passage devant le tribunal correctionnel. Le prévenu doit donc remplir à la fois des obligations thérapeutiques et pointer auprès de cet agent, qui s'assure notamment qu'il ne rentre pas en contact avec la victime.

Au tribunal de Créteil, juridiction pilote, l'aide juridictionnelle demandée dans le cadre d'une procédure d'ordonnance de protection est accordée sous les 48h, contre plusieurs semaines dans la plupart des autres juridictions.

Il est à noter que le confinement que nous vivons actuellement donne lieu à la mise en place de mesures d'urgences dédiées à la protection des femmes victimes de violences.

En plus de l'instruction donnée aux forces de l'ordre de prioriser la prise de plaintes en matière de violences conjugales, plusieurs procédures doivent continuer de fonctionner à court délai.

Ainsi l'éviction du conjoint violent « doit être la règle » comme l'avaient rappelé Nicole Belloubet et Marlène Schiappa, en annonçant une plateforme d'hébergement temporaire des auteurs de violences conjugales au début des mesures de confinement.

La garde des sceaux a par ailleurs appuyé la continuité des audiences hebdomadaires concernant les demandes d'ordonnances de protection dans toutes les juridictions. Cette procédure s'accompagne de la possibilité d'obtenir l'aide juridictionnelle provisoire au moment de la décision du juge, encouragée par les efforts des ordres des avocats sur le sujet.

On peut espérer voire cette liste non exhaustive comme vouée à s'étendre au niveau national et de manière pérenne, peu de temps après le Grenelle des violences conjugales.

Plusieurs éléments conditionnent le fonctionnement de telles mesures :

  • D'une part, l'investissement financier des pouvoirs publics dans tous les acteurs locaux, permettant que des projets germent et se pérennisent.
  • D'autre part, la coopération entre ces acteurs locaux : la création de centres d'accueil des auteurs de violences par exemple n'aurait pas été possible sans l'action du secteur associatif.
  • Enfin, la volonté doit être de privilégier les solutions les plus efficaces : l'incarcération sans accompagnement punit durement les auteurs, mais également les victimes, livrées à un taux de récidive élevé.

La situation actuelle est paradoxalement une opportunité d'interroger les pratiques habituelles en matière de lutte contre les violences. Le maintien à domicile forcé accentue une réalité : sans moyens rapides et efficaces priorisant les violences conjugales, les victimes doivent vivre avec le danger pendant de trop longues périodes.

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