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LE CONFINEMENT : AMPLIFICATEUR DES INÉGALITÉS FEMMES/HOMMES

La crise sanitaire actuelle apparaît comme un catalyseur des inégalités sociales et de genre.

Le confinement se définit comme un isolement imposé en raison de motifs impérieux. Le cantonnement, que nous subissons actuellement dans le but d'endiguer une crise sanitaire inédite, n'est pas sans renforcer les inégalités entre femmes et hommes.

En temps de « guerre » sanitaire, les personnes situées en première ligne sont bien souvent des femmes issues des classes populaires occupant des postes participant au confort de la société (le soin, le nettoyage et l'approvisionnement). La psychologue Pascale Moliner théorise cela sous le nom « travail du care » : des postes peu valorisés sur le plan salarial, peu protégés du point de vue des conventions collectives, des emplois précaires sous-payés alors qu'ils sont essentiels.

Ces femmes situées en premier plan, au cœur de l'action, pourtant silenciées au profit d'hommes. Une pandémie accroissant le mansplanning subie par la moitié de la population en temps normal. Combien d'experts hommes sur les plateaux télé, combien de réunions « au sommet » entre dirigeants politiques pendant que les femmes assurent le nettoyage et le soin dans des conditions extrêmes ! Une question dont s'est d'ailleurs saisie Madame Marlène Schiappa, Secrétaire d'État chargée de l'égalité femmes-hommes en missionnant Céline Clavez, députée des Hauts de Seine, de rédiger un rapport sur la place des femmes dans les médias.

Qu'elles continuent de travailler sur le terrain du care, en télétravail, arrêtées ou en chômage partiel, les conséquences anxiogènes engendrées par le confinement se couplent à la charge mentale habituellement supportée par les femmes, un poids psychologique qui porte sur la gestion des tâches domestiques et éducatives d'autant plus lourde en cette période : activité salariale éventuellement maintenue, scolarité à domicile et corvées domestiques.

1 530 000 mères célibataires vivent actuellement en France contre 290 000 pères célibataires.

Au-delà de la charge mentale décuplée, 35% de ces cheffes de familles monoparentales vivent sous le seuil de pauvreté (40% des pensions alimentaires sont irrégulièrement versées, voir pas du tout). Leur situation financière les intègre aisément dans les 4 000 000 de personnes mal logées en France, surtout à Paris et sa région où elles ne peuvent accéder qu'à des habitations insalubres et étriquées. Dans cette perspective, le confinement est alors vécu comme un véritable emprisonnement pour ces femmes et leurs enfants.

Alors que le secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies, Antonio Guterres, attire l'attention sur le fait que « la violence ne se cantonne pas aux champs de bataille », cet isolement salutaire représente une séquestration légale des femmes victimes de violences conjugales et intrafamiliales en raison de la restriction de la liberté d'aller & de venir impliquant promiscuité avec l'auteur et isolement social, ce qui a d'ores et déjà été observé en Chine puis en Italie, et désormais en France. Des difficultés auxquelles le gouvernement, les associations ainsi que d'autres acteurs (ex : le Barreau de Paris) essayent de pallier par la création et/ou l'ouverture de différents dispositifs qui n'ont pas permis d'empêcher les féminicides observés ces derniers jours sur le territoire.

La gestion de l'épidémie du Covid-19 restreint également les femmes dans l'accès à un droit fondamental : l'avortement. Les mesures de restriction de la circulation et la mobilisation du personnel soignant impliquent une fragilisation de cette liberté fondamentale de pouvoir avoir recours à l'IVG. Une chute conséquente du nombre d'interventions fait craindre aux associations et à certain.e.s praticien.ne.s une fragilisation d'accès à ce droit imposant alors aux femmes de se maintenir dans des grossesses non désirées. Une problématique légitime alors que le Sénat rejetait récemment un amendement visant à allonger le délai légal réservé à cette pratique faisant craindre une remise en question du droit des femmes à disposer de leur corps.

Autre inégalité de genre conséquente liée au confinement : la situation des prostituées privées de tout moyen de subsistance, dont une grande majorité ne maîtrise pas le français et se retrouve ainsi avec un accès réduit aux informations sanitaires ou celles contraintes, sous la menace de proxénètes, de maintenir leur activité prostitutionnelle malgré le risque de l'épidémie de coronavirus.

Ainsi, la crise sanitaire actuelle apparait comme un catalyseur des inégalités sociales et de genre. Malheureusement, malgré une forte mobilisation du gouvernement, des services publics et des associations, les moyens humains et financiers manquent, creusant les inégalités déjà présentes au cœur de notre société en ne leur accordant pas une perspective d'urgences à résoudre et précarisant ainsi encore davantage un public déjà fragilisé.

Espérons que cette crise permette une véritable prise de conscience et que nous serons capables de repenser la place des femmes dans nos sociétés, de garantir leur sécurité, de reconnaitre leur apport et de revaloriser les emplois du « care », pour une société plus juste et enfin égalitaire.

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