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LES CYBERVIOLENCES A L'AUNE DU CONFINEMENT

Confinés, les hommes continuent d’agresser les femmes et les jeunes filles via les réseaux sociaux

La période exceptionnelle que nous vivons actuellement semble avoir décuplé la systématisation des violences à l'égard des femmes. Isolées physiquement, ces dernières se retrouvent une nouvelle fois surexposées, via les réseaux sociaux, aux violences de genre d'une société patriarcale.

Les cyberviolences se définissent comme le fait d'exercer des violences à l'égard d'autrui par le biais de moyens numériques. Cyber-harcèlement, cyber-surveillance, cyber-contrôle cybersexisme, cyberviolences sexuelles et phénomène du « revenge porn »… Avec la multiplication des outils numériques, les auteurs de violences ont trouvé ici un nouveau vecteur permettant de contrôler, d'humilier, d'isoler et d'asseoir leur domination sur leur victime tout en assurant leur impunité par l'anonymat que permet le numérique.

Le 20 novembre 2018, le centre Hubertine Auclert publiait un rapport de plus de 140 pages

expliquant le lien entre violences conjugales et cyberviolences, étude à laquelle le CIDFF 92 Nord

avait été associée. Il s'agit de la 1ère étude statistique d'ampleur menée à ce sujet[1].

Si les cyberviolences sont utilisées dans le cadre des violences conjugales, elles sont également particulièrement courantes et ravageuses chez les plus jeunes.

Dépression, exclusion sociale, anxiété, troubles alimentaires, suicides…les conséquences psychologiques de telles violences sont d'autant plus importantes chez les jeunes filles qu'elles heurtent l'intimité et l'image de soi encore en construction.

D'autant plus lorsque le contenu est violent, viral et dont la suppression - incertaine en raison des différents moyens de sauvegarde possible - relève souvent d'un réel parcours de combattante impliquant insistance et détermination auprès des différentes plateformes concernées.

Dans le cadre des cyberviolences sexuelles, le phénomène du « revenge porn » inquiète particulièrement. Il concerne d'après l'étude menée par le Centre Hubertine Auclert, 10% des victimes de cyberviolences, et notamment des jeunes femmes et des mineures.

Le « revenge porn » consiste en la diffusion par un partenaire ou ex-partenaire de photos ou vidéos intimes à caractère sexuel sans le consentement de la victime. Il s'agit d'un délit pénal depuis le 7 octobre 2016 constituant une atteinte à la vie privée par la diffusion d'image à caractère sexuel puni de 2 ans d'emprisonnement et 60 000 euros d'amende (Article 226-2-1 Code pénal).

Rappelons que lorsque la victime est mineure, la peine encourue pour la diffusion de telles images est de 5 ans d'emprisonnement et 75 000 euros d'amende, « les peines sont portées à sept ans d'emprisonnement et à 100 000 euros d'amende lorsqu'il a été utilisé, pour la diffusion de l'image ou de la représentation du mineur à destination d'un public non déterminé, un réseau de communications électroniques ». Rappelons également que le fait de consulter habituellement de tels sites est puni de 2 ans d'emprisonnement et 30 000 euros d'amende (Article 227-23 du code pénal).

Pour être clair, le fait de diffuser des photos intimes, quand bien même la victime les aurait envoyées de son plein gré à l'auteur, est un délit grave. Le seul responsable est celui qui diffuse ces photos.

En 2019, ce sont 2839 plaintes qui ont été déposées d'après les chiffres du Ministère de l'Intérieur, soit une augmentation de près de 11% par rapport à 2018.

A l'aune du confinement, il semblerait y avoir une augmentation encore plus massive du nombre de victimes qui se retrouvent alors doublement isolées, physiquement et psychologiquement.

Violées dans leur intimité, nombre de femmes et jeunes filles se retrouvent ainsi exposées sur certains comptes via des réseaux de communication (snapchat, télégram...), relayés massivement, en faisant un phénomène viral aux responsabilités multiples.

Le collectif Noustoutes alertait déjà fin mars sur Twitter sur la multiplication des comptes « ficha », créés par département et dont l'objectif est de divulguer des photos et vidéos à caractère sexuel de jeunes filles sans leur consentement. Certains comptes recensent plus de 200 000 abonnés !

Malgré de nombreux signalements sur les plateformes concernées, aussitôt un compte fermé, plusieurs autres se créent presque instantanément.

Un des premiers leviers pour lutter contre un tel phénomène est bien-sûr l'éducation.

Le CIDFF, particulièrement engagé dans la lutte contre les violences faites aux femmes et aux jeunes filles, intervient depuis de nombreuses années dans les établissements scolaires, dans le but de prévenir le cyberharcèlement. Malheureusement, la crise sanitaire liée au COVID 19 nous a obligées à suspendre nos actions auprès des jeunes. Malgré la fermeture des établissements scolaires, les violences perdurent, voir s'intensifient.

Face à ce phénomène c'est la société civile qui a d'abord pris ses responsabilités pour qu'à petite échelle, voire individuellement, plusieurs actions puissent être menées. Mais aujourd'hui, c'est une prise de conscience collective qui est nécessaire et à tous niveaux afin que les moyens soient donnés pour permettre la lutte contre cette nouvelle forme de violence.

Le confinement que nous subissons toutes et tous par mesure de sécurité est loin d'être égalitaire. Il ne devrait murer encore plus dans le silence les femmes et jeunes filles victimes. Si les femmes doivent pouvoir jouir d'une totale liberté en matière sexuelle, il est impératif de respecter leur désir, leur intimité et leur sécurité.

Victimes ou témoins : voici ce que nous pouvons faire :

–Signaler les comptes directement auprès de la plateforme concernée.

–Signaler les comptes auprès de la plateforme du Ministère de l'Intérieur « Pharos » en copiant directement le lien.

–Contacter « Net écoute » (service de protection de l'enfance) pour les victimes mineures : Par mail, chat en ligne ou téléphone au 0800 200 000.

–Enfin nous vous rappelons que si vous êtes victime, vous avez le droit de déposer plainte en ligne ou directement au commissariat même en période de confinement !

Pour toute question :

cidff92nord@gmail.com - 06 23 88 80 74


[1]https://www.centre-hubertine-auclert.fr/sites/default/files/documents/rapport_cyberviolences_conjugales_web.pdf

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