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Les hommes aussi sont victimes du machisme

Le CIDFF de Nanterre intervient depuis 4 ans auprès des auteurs de violences conjugales.

La lutte contre les violences faites aux femmes s'est d'abord focalisée sur les victimes, sur leurs droits, leur protection, leur reconstruction. Et, en effet, il était urgent de légiférer, de mettre en sécurité les femmes et leurs enfants et surtout de dédier des moyens nécessaires à la prise en charge des victimes.

Grâce à la mobilisation des associations féministes, soutenues par la société civile, de nouvelles lois ont permis de renforcer la lutte contre les violences : reconnaissance du viol conjugal, condamnation des violences psychologiques, création d'outils spécifiques tels que l'ordonnance de protection, le Téléphone Grave Danger, les mesures d'accompagnement protégées…

Pourtant, une femme sur deux, en France, va subir des violences au cours de sa vie. Malgré des avancées juridiques significatives, dans les faits, la violence envers les femmes ne diminue pas.

Et si on étendait notre regard sur l'étendu des facteurs à l'origine de cette problématique ? Pourquoi ne pas élargir notre action à la prise en charge des auteurs, pour espérer, enfin, ne plus jamais accompagner de femmes victimes de violences sexistes.

Depuis la loi d'aout 2014, des stages de responsabilisation en direction des auteurs de violences conjugales ont été créés pour lutter contre la récidive. Cette nouvelle approche est passionnante. En s'intéressant aux auteurs, on comprend à quel point le machisme est le terreau des violences faites aux femmes.

La très grande majorité des hommes positionnés sur ces stages déclare avoir grandi dans un contexte de violence. Ils ont soit : été victimes de maltraitance dans leur enfance ; ont grandi dans un contexte de violences conjugales ; ou encore dans un environnement violent (guerre, bidonville, quartiers prioritaires, attentats…). Si les auteurs de violences sont issus de toutes les classes sociales, de toutes les cultures ou religions, ce qui les unit, c'est cette confrontation à la violence dans leur enfance.

Mais au-delà, ce sont les injonctions « virilistes » qui vont jouer un rôle fondamental dans le passage à l'acte. On n'apprend pas au petit garçon à nommer ses émotions. On lui dit d'être fort, de ne pas pleurer (non, ça c'est un truc de gonzesse). On ne lui apprend pas à gérer sa frustration ou à faire l'effort de communiquer. On préfère insister sur son « devoir » d'assurer financièrement pour sa famille. Comment ce petit garçon va-t-il gérer à l'âge adulte ?

Ce petit garçon qui soulevait les jupes des filles à l'école, qui s'amusait à toucher les seins et les fesses des filles au collège, qui va découvrir la sexualité à travers la pornographie... Quelle image du corps de l'autre va-t-il se forger ? Dans cette socialisation, l'autre est objet. Le corps des femmes est scruté, critiqué, touché, violenté… Il porte « l'honneur » des hommes. Pour les auteurs de violences conjugales, les femmes doivent être protégées. Mais de qui ? De la violence de leur compagnon, de leur collègue, de leur oncle, du pote en qui elles avaient confiance, du professeur de sport, de musique ou de maths…

La force et la virilité sont des caractéristiques valorisées. La supériorité des hommes sur les femmes est inculquée dès le plus jeune âge. Alors, quand un homme violent gagne plus que sa compagne, c'est un moyen de lui rappeler qui est le « chef » à la maison. Mais quand c'est madame qui a un meilleur salaire, la violence permet de compenser ce sentiment d'infériorité. Et lorsque ces hommes traversent des périodes difficiles (deuil, perte d'emploi, arrivée d'un enfant..) il leur est impossible de communiquer avec leur compagne sur leur ressenti, sur leurs émotions si difficiles à identifier. Face au conflit, à la contradiction, à la frustration, ils n'ont pas les mots. C'est ce que l'on appelle l'économie psychique de la violence. Le travail d'élaboration serait trop couteux psychiquement. Il y aurait tant à déconstruire. Il faudrait revenir sur ce qui structure la personnalité depuis l'enfance et pour certains, l'exercice se révèle bien trop périlleux. Alors, à défaut de mettre des mots sur leurs impuissances, ils passent à l'acte tentant de maintenir l'illusion d'un pouvoir sur l'autre qui leur échappe mais aussi sur eux-mêmes.

Mais, ce qui est encourageant avec l'être humain, c'est que l'on peut changer les choses, modifier les comportements. Une des clefs du problème : l'éducation ! Si on apprenait l'égalité et le respect dès la naissance, les petites filles auraient moins de chance de se faire agresser et les petits garçons d'autres options que le recours à la violence.

Alors pour stopper ce cycle infernal de reproduction de la violence, protégeons les enfants de cette violence, de tous les stéréotypes sexistes qui les enferment dans des rôles et contraignent leur liberté. C'est le meilleur moyen de protéger les femmes et les fillettes, car sans agresseur, pas de victime.

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