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Violences faites aux femmes : le grand malentendu

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64, c'est le nombre de femmes assassinées par leur compagnon depuis le début de l'année. Constat d'autant plus alarmant dans un pays qui a décidé de faire de la lutte contre les violences faites aux femmes la grande cause du quinquennat.

Alors que dans les médias le sujet semble être une priorité politique, dans la réalité, les moyens manquent cruellement. Les effets d'annonce ne semblent pas suivis de véritables engagements.

Depuis #meetoo, le sujet des violences est largement relayé par les différents médias (émissions TV, radio, séries, podcast, pages spécialisées sur les réseaux sociaux…). Les saisines du CSA pour dénoncer le sexisme des publicités et de certaines émissions sont en augmentation. Le seuil de tolérance aux violences sexistes et sexuelles que subissent les femmes semble avoir diminué. La parole se libère, le sentiment d'impunité décroît.

Marlène Schiappa, quant à elle, bénéficie d'une grande couverture médiatique. Pour la première fois, les Français connaissent le nom de la secrétaire d'Etat aux droits des femmes. Cependant, ses moyens, aussi bien humains que financiers, ne sont pas à la hauteur. Le Ministère de plein droit, promis par Emmanuel Macron lors de la campagne présidentielle, n'a jamais été instauré. Ce qui démontre bien l'ambition du gouvernement: les Ministres occupent le terrain médiatique, ne cessent de communiquer, sans jamais se donner les moyens d'une réelle politique publique.

Ces campagnes de communication créent l'illusion que la libération de la parole sera suivie d'une prise en charge à la hauteur du phénomène dénoncé. La société serait enfin prête à reconnaître les violences et à protéger les victimes. Malheureusement, l'objectif est loin d'être atteint. Il existe une disproportion entre l'ampleur des attentes et les moyens alloués à cette cause.

Disproportion entre des attentes fortes des victimes et le manque de moyens des associations.

Décalage entre des peines alourdies dans le code pénal et la faiblesse des décisions.

Déséquilibre entre des faits graves dénoncés et des refus plaintes, entre l'urgence de la mise à l'abri et le manque de places disponibles en centre d'hébergements d'urgence, entre les difficultés croissantes rencontrées par les femmes victimes de violences et les décisions des JAF incohérentes…

Si on peut se féliciter du nombre croissant de victimes qui osent enfin briser le silence, on ne peut que regretter le manque de moyens des associations spécialisées. Les CIDFF, le CFCV, l'AVFT, la FNSF sont saturées, quand elles ne disparaissent pas carrément. Sans budget, les professionnel-les ne peuvent proposer un accompagnement efficace et adapté. Le manque de moyen alloué aux forces de l'ordre ainsi qu'à l'institution judiciaire sont autant d'obstacles pour enrayer les violences faites aux femmes.

Comment dire à une victime de harcèlement qu'il est fort probable que sa plainte soit classée sans suite ? Comment expliquer à une femme victime de violences conjugales qu'en dessous de 8 jours d'ITT il y a peu de chances que l'auteur soit poursuivi devant le tribunal correctionnel ? Comment faire entendre à toutes ces gamines de 11 ans que leurs agresseurs sexuels seront condamnés à des peines avec sursis ? Que dire à une femme victime de viol dans l'enfance qui n'a d'autres preuves que ses angoisses ?

Les victimes attendent beaucoup de la justice. Pourtant, le procès pénal n'a pas vocation à réparer psychologiquement les victimes. Il est pensé pour rappeler aux mis en cause les interdits. Le procureur a pour mission de faire entendre l'importance du respect des règles, comme le droit de vivre en sécurité. D'où la nécessité d'offrir aux victimes la possibilité d'élaborer psychiquement le trauma subi. Les associations sont donc ici plus que nécessaires pour les accompagner tout au long de leur cheminement.

Paradoxalement, alors que le code pénal réprime de plus en plus sévèrement les violences faites aux femmes, avec la reconnaissance de nouvelles infractions comme le viol conjugal, les violences psychologiques et les injures sexistes, les condamnations demeurent relativement légères, quand il y en a. Les atteintes aux personnes semblent moins graves que les atteintes aux biens ! Les condamnations pour violences conjugales sont faibles comparées au trafic de stupéfiants. La majorité des viols sont correctionnalisés ! Ici encore, on voit bien le décalage entre les effets d'annonce et la réalité des peines prononcées.

Au-delà, c'est la portée symbolique de la loi qui est remise en question. Nous avons l'illusion que la justice devrait réparer les inégalités subies par les femmes, dans notre société. Or le système judiciaire est justement le produit de cette société profondément inégalitaire. Il est représenté par des hommes et des femmes, insuffisamment formé-es sur ces questions. C'est ce qui explique que certains magistrats considèrent encore aujourd'hui qu'un homme violent peut être un bon père, qu'une victime de viol peut être responsable de son agression, qu'une enfant de 11 ans peut consentir à un rapport sexuel avec un adulte de plus de 30 ans…

Comment peut-on encore avoir confiance en ce système ? Chaque jour, les professionnel.les accompagnant ces victimes luttent contre ces dysfonctionnements en leur affirmant qu'elles ont des droits, même si elles rencontreront de nombreux obstacles dans leur parcours, qu'elles devront surmonter des déceptions voire qu'elles subiront de l'injustice!

C'est en dehors des tribunaux que les victimes sont amenées à trouver des ressources pour se reconstruire. Pourtant, les associations n'ont pas les moyens pour proposer suffisamment de consultations psychologiques, de groupe de paroles pour les victimes. En parallèle, le système de santé est également saturé avec un délai d'attente de 6 mois en moyenne pour rencontrer un psychologue en CMP.

Les effets d'annonces illusoires doivent être combattus. Le traitement des violences sexistes doit bénéficier d'une politique cohérente visant l'éradication du phénomène. Les mensonges de cette société ne peuvent être nourris par des politiques publiques ambigües. Le décalage qui existe entre l'abondance des discours médiatiques et la réalité du traitement des affaires de violences sexistes renforce le sentiment d'impuissance des victimes et finalement le sentiment d'impunité des auteurs!

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