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Du soin pour les auteurs de violences conjugales : du passage à l’acte à l’élaboration

le CIDFF 92 Nord a ouvert une consultation psychologique à destination des auteurs de violences conjugales condamnés à des obligations de soins, au sein du SPIP 92, grâce au soutien de la Fondation de France.

Depuis février 2020, le CIDFF 92 Nord a ouvert une permanence psychologique à destination des auteurs de violences conjugales condamnés à l'effectuation d'une obligation de soins. Cette consultation, assurée par la psychologue de l'association, se déroule au sein des locaux du SPIP des Hauts de Seine.

L'exercice est périlleux et confronte la clinicienne à plusieurs questions. Comment se saisir du « soin » lorsqu'on n'en formule pas explicitement la demande ? Le soin contraint peut-il toujours être considéré comme du soin ?

Ce dispositif nécessite de créer l'adhésion. En deçà de l'alliance thérapeutique, la première étape réside dans l'établissement d'un lien de confiance indispensable au franchissement des résistances que l'univers juridique et carcéral engendre. Il faut parfois plusieurs séances avant qu'une parole authentique puisse être déposée. Ici plus qu'ailleurs le lien est testé, malmené, sa solidité souvent remise en cause.

Le psychologue doit accueillir des projections souvent suspicieuses, de la défiance, parfois même de l'agressivité. Mais si le cadre tient, qu'il assure sa fonction de contenance, alors peuvent s'exprimer, parfois en pointillés, les bribes d'une histoire souvent parsemée d'évènements traumatiques.

La demande institutionnelle est de traiter ici les violences conjugales et d'accompagner l'auteur vers le désengagement de la violence. On y retrouve donc, parfois, des hommes se disant « victimes ». « Victimes » de leur compagne, de la police, de la justice. Un positionnement plus facilement tolérable que celui d'auteur souvent vécu comme une atteinte narcissique.

Quelque fois, quand l'histoire de vie s'est construite dans la délinquance et les incarcérations multiples, l'identification à la « victime » n'est pas tenable, trop douloureuse, menaçante. Surtout quand l'enfance a été carencée, les repères brouillés, la violence omniprésente. C'est alors « l'auteur » qui s'affirme, renversant en son contraire les souffrances endurées, reprenant le pouvoir, valorisant la transgression. Un mécanisme de défense bien huilé souvent difficile à déconstruire dans le temps imparti.

Ici le temps judiciaire rencontre le temps psychique et la contrainte est double. Il s'agit donc pour la psychologue d'accepter un certain lâcher prise en espérant que le travail amorcé continuera à cheminer quand l'obligation sera arrivée à son terme.

Une fois les résistances dépassées, certains auteurs se saisissent du dispositif. Ils profitent de cet espace de parole qu'ils remplissent d'une myriade de mots, à l'instar de celui qui, après une longue traversée du désert, rencontre une oasis. Le simple fait d'avoir un espace d'expression provoque chez certains soulagement et apaisement. Néanmoins, le travail d'élaboration, de liaison des affects aux représentations et d'analyse n'est pas entamé pour autant. Souvent fragmentaire, il faudra du temps avant que l'histoire de ses hommes ne puisse se construire en narration subjectivante. Car se sont ces liens qui souvent font défaut lors des passages à l'acte violents.

Le passage à l'acte suppose souvent un vide pensée, une béance de représentation. Une incapacité à résoudre sur un versant intrapsychique une colère, une frustration, une souffrance souvent innommable. L'enjeu du soin est alors d'offrir les conditions de possibilité d'une mise en mots, d'une mise en représentations et d'un travail de liaison. Il s'agit également de mettre en lumière l'échos des violences passées subies qui souvent hante encore, dans un présent perpétuel, les agirs de ces hommes. L'objectif n'est pas seulement de prévenir la récidive. Il s'agit de proposer un espace de parole participant à la réémergence d'un statut de sujet souvent mis en échec chez les auteurs de violences.

Déconstruire l'association amour / violence, remettre le sujet au centre de son histoire, le familiariser à ses symptômes pour qu'il ne les subisse plus mais ait la capacité de les identifier, lui permettre de trouver les moyens de se désengager de la violence… Autant d'objectifs que cherche à atteindre le dispositif.

Souvent, le chemin est long. Avant de pouvoir affronter l'altérité qu'impose la vie de couple, il faut pouvoir se reconnaitre soi-même comme sujet. Ce chemin subjectivant nécessite au préalable une reconnaissance de ses actes, ce qui est loin d'être un acquis pour les auteurs de violences conjugales.

Cette clinique oblige le praticien à rester modeste. Quand la violence s'égrène sur toute une existence, s'en désengager demande du temps ; ce temps indispensable pour créer du lien interpersonnel et permettre l'émergence de liens intrapsychiques.

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