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Violences sexuelles sur mineur.es : vers une meilleure protection des victimes

La libération de la parole des victimes met en lumière une nécessité de légiférer afin de protéger les victimes mineur.es.

Le gouvernement veut criminaliser "tout acte de pénétration sexuelle commis par un majeur sur un mineur de 15 ans".

Depuis plusieurs années, la parole se libèrent sur les réseaux sociaux et dans les médias permettant ainsi de créer une véritable prise de conscience de l'ampleur du phénomène des violences sexuelles subies par les femmes et les enfants dans le monde. Il se produit actuellement une véritable révolution féministe qui a déplacé le seuil de tolérance aux violences de manière impressionnante. Ainsi, il est attendu que la justice suive ce mouvement en rendant des décisions plus en adéquation avec l'état d'esprit du moment, le droit étant le reflet de notre société.

Ainsi, l'affaire « Julie » est devenue le symbole de ce dysfonctionnement de notre justice. Alors que la jeune fille accuse une vingtaine de pompiers de l'avoir violée de ses 14 à 15 ans, les magistrat.e.s de la chambre de l'instruction écrivent que « son comportement aguicheur, provocateur, entreprenant envers ses partenaires pompiers ne permet pas de déduire la contrainte morale de la seule différence d'âge entre Julie et les mis en cause ».

Dans ce contexte, on comprend pourquoi les victimes hésitent à porter plainte. Les chosent se jouent donc en dehors des tribunaux de que les choses vont se jouer.

Le 4 janvier 2021, Camille Kouchner, dans son œuvre littéraire "La Familia Grande" accuse son ancien beau-père, Olivier Duhamel, d'avoir agressé sexuellement son frère jumeau, alors âgé de 13 ans, dans les années 1980. Tôlée sur la scène médiatique, quelques jours plus tard, O. Duhamel démissionne de ses fonctions, alors qu'une plainte a été déposée par la victime et qu'une enquête est ouverte. S'en suit sur les réseaux sociaux l'apparition du #MeTooInceste et plusieurs centaines de témoignages.

Moins de trois semaines après, c'est au tour de l'acteur Richard Berry de faire la "Une" des médias lorsque sa fille, Coline Berry, dépose une plainte au parquet de Paris y accusant son père de "viol et agressions sexuelles sur mineur de 15 ans par ascendant" dans les années 1980, alors qu'elle avait entre 8 et 10 ans.

Quelques jours plus tard, le 9 février 2021, et alors qu'il est accusé par son neveu de "complicité de viol sur mineurs", le parquet de Paris a rapporté que Gérard Louvin est accusé de viol par un autre homme et que plusieurs plaintes pour des faits de violences sexuelles visent l'intéressé et son époux.

Puis Marc Pulvar, le père de la célèbre journaliste, adjointe à la mairie de Paris et candidate PS aux élections régionales en Ile de France de faire face à la question de la pédocriminalité suite à l'accusation d'inceste de trois de ses cousines. Invitée au micro de France Inter ce lundi 15 février, l'adjointe au maire de Paris raconte que « la résilience dont elles [ses cousines] font preuve est non seulement le signe d'une énorme force et d'un énorme courage…qui peut aider d'autres personnes qui ont été victimes de ces crimes, des crimes qui détruisent profondément les êtres et tous les êtres qui sont concernés ».

C'est dans ce contexte, et alors que plusieurs affaires de violences sexuelles sur mineur ou d'inceste se sont égrenées ces derniers mois en France, qu'à la demande du Président de la République, Eric Dupond-Moretti (garde des sceaux) et Adrien Taquet (Secrétaire d'État chargé de l'Enfance et des Familles), en collaboration avec les associations de victimes et de la protection de l'enfance, ont mené des consultations afin d'approfondir les pistes permettant d'améliorer la protection des mineurs victimes de violences sexuelles.

Le Gouvernement semble se focaliser sur des pistes d'amélioration d'ordre uniquement juridique, en concentrant les débats autour de la question du seuil d'âge, du consentement, de la prescription et de l'inceste. Soucieux d'apporter une réponse politique répondant aux attentes des associations et plus largement des citoyens, le Gouvernement a présenté ce mardi 09 février 2021 les réponses qu'il entend apporter "rapidement".

La question de l'âge

● Création d'un seuil d'âge fixé à 15 ans et suppression de la notion de contrainte.

Longtemps demandé par les associations de victimes et de la protection de l'enfance, le Gouvernement a annoncé la création d'un seuil d'âge fixé à 15 ans, en deçà duquel "tout acte de pénétration sexuelle commis par un adulte sera [automatiquement] considéré comme un viol".

Si l'Exécutif est favorable à criminaliser de manière systématique tout acte de pénétration sexuelle commis par un majeur sur un mineur de 15 ans, il s'agit en fait de supprimer la notion de contrainte, aujourd'hui nécessaire à la qualification des faits de viol en cas de pénétration, et qui constitue véritablement un frein pour ces victimes brisées à qui incombent la charge de la preuve. Il s'agit plus encore d'instaurer une présomption d'absence de consentement de l'enfant dans la loi. Parce qu'aujourd'hui encore, en France, un enfant qui dénonce un abus sexuel doit certifier devant la justice qu'il n'était pas consentant.

● Une criminalisation systématique non absolue.

Néanmoins, la criminalisation de l'acte demeure soumise à une condition de connaissance, par l'adulte, de l'âge de la victime et encore, le principe de criminalisation systématique peut souffrir d'exception afin de répondre à des situations particulières. C'est ainsi qu'Adrien Taquet a pu préciser que " Pour ne pas criminaliser une relation adolescente qui pourrait se poursuivre au-delà de la majorité du plus âgé des deux, nous réfléchissons à introduire une notion d'écart d'âge, par exemple cinq ans".

La question de la prescription

Si le retour du Gouvernement sur ces consultations est fortement axé sur la question de l'âge et du consentement, la question de la prescription, elle, demeure toutefois incertaine. Si rien n'est encore posé, le Gouvernement s'engage néanmoins vers la piste d'une "prescription échelonnée", proposition largement critiquée par le syndicat de magistrature. La question de l'imprescriptibilité divise le mouvement féministe et renvoie aux modalités de reconstruction pour les victimes.

La question de l'inceste

Sur cette question des violences incestueuses, deux possibilités sont à l'étude : la création d'un crime spécifique d'inceste ou sa transformation en une véritable circonstance aggravante. Un seuil d'âge à 18 ans a également été évoqué par le garde des Sceaux.

Si à ce sujet, le Gouvernement dit vouloir "répondre aux attentes des associations de victimes de voir sa répression renforcée et s'engage à expertiser toutes les pistes le permettant", il est assez regrettable de constater qu'aucun moyen spécifique n'a été débloqueé pour la formation des professionnel.les sur cette question. Pourtant, la formation des professionnel.les de l'enfance (instits, animateurs, ATSEM…), de la police, des magistrats devrait constituer un axe prioritaire de la politique de protection de l'enfance, afin de mieux repérer les situations à risque pour protéger les enfants, et condamner de manière juste ces crimes.

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