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IVG : allongement des délais

En France, les débats autour de l'allongement du délai légal de l'IVG de 12 à 14 semaines ont enflammé l'assemblée nationale.

Les débats autour de l'IVG reviennent, une fois encore, dans le débat public. En Pologne, il a fallu que des centaines de milliers de femmes descendent dans la rue pour que le gouvernement ultraconservateur revienne sur son projet d'interdire l'avortement.

La Pologne n'est malheureusement pas un cas isolé. 32 pays, dont les Etats-Unis, le Brésil, l'Egypte, la Pologne ou en encore la Hongrie, ont déclaré « qu'il n'y a pas de droit international à l'avortement ni d'obligations des Etats de financer ou faciliter l'avortement » remettant sérieusement en cause ce droit acquis de longues luttes.

En France, les débats autour de l'allongement du délai légal de l'IVG de 12 à 14 semaines ont enflammé l'assemblée nationale.

Mais pourquoi cette question fait elle autant toujours débat ?

Depuis 1975, les femmes ont le droit de bénéficier d'une interruption volontaire de grossesse (IVG) autrement dit de mettre fin à une grossesse non désirée jusqu'à la fin de la 12e semaine de grossesse.

Pour les jeunes filles mineures, pas besoin de l'accord des parents, bien qu'il soit important qu'elles soient soutenues, elles peuvent très bien choisir de garder le secret pour ne pas se mettre en danger. Elle peut alors se faire accompagner par une personne majeure de son choix.

De même, toute femme majeure a le droit de faire une IVG sans en informer son mari. Cette disposition est fondamentale, en particulier pour les femmes victimes de violences au sein du couple.

Les femmes étrangères peuvent également accéder au droit à l'IVG. Précisons que même sans titre de séjour, l''IVG est prise en charge dans le cadre de l'aide médicale d'État. De plus, pour celles qui ne disposeraient pas de l'AME, l'IVG est pris en charge au titre du DSUV (dispositif de soins urgents et vitaux).

Il existe 2 types d'IVG.

L'IVG instrumentale peut être pratiquée jusqu'à la fin de la 12e semaine de grossesse, soit 14 semaines après le début des dernières règles. L'IVG médicamenteuse est pratiquée jusqu'à la fin de la 5eme semaine de grossesse, soit au maximum 7 semaines d'aménorée.

Il ne faut pas confondre avec l'IMG « Interruption Médicale de grossesse » appelée aussi « avortement thérapeutique » qui peut être réalisé à tout moment de la grossesse lorsque la santé de la mère ou de l'enfant sont en en cause.

Jusqu'en 1975, l'avortement est un acte réprimé par la loi et passible de prison. A l'époque, les avortements clandestins provoquent la mort de plus de 250 femmes chaque année.

La loi de Neuwirth du 19 décembre 1967, qui autorise la contraception, ouvre la voie dans la longue lutte des femmes pour disposer librement de leur corps.

En 1971, la mobilisation des mouvements féministes (MLAC, MLF, MFPF) et notamment de certaines célébrités reconnaissant avoir déjà avorté dans un manifeste des « 343 » publié dans le Nouvel Observateur participe à alerter l'opinion public.

Par la suite, les manifestations de femmes se succèdent et celle du 20 novembre 1971 réunit plus de 40 000 femmes.

En 1972, a lieu le fameux « procès de Bobigny ». Marie-Claire, une jeune femme lesbienne de 17 ans, est jugée pour avoir avorté après avoir subi un viol. Gisèle Halimi, avocate engagée pour la cause des femmes, la défend et l'emporte. Le délit d'avortement n'a plus lieu d'être.

5 février 1973, un groupement de médecins revendiquent publiquement la pratique d'avortements. C'est ce que l'on appelle "Manifeste des 331 médecins".

Le 26 novembre 1974, Simone Veil monte à la tribune de l'Assemblée nationale pour défendre la loi légalisant l'interruption volontaire de grossesse. Pendant trois jours de débats houleux à l'Assemblée nationale pour défendre son projet de loi, Simone Veil fait face à des attaques personnelles et à des réactions hostiles de tous bords politiques.

Le 17 janvier 1975 est une date historique pour toutes les femmes de France. La loi qui dépénalise l'avortement est enfin adoptée. La loi consacre la liberté de choix de la femme.

En outre, pour permettre aux femmes de recourir à l'avortement dans un lieu approprié, des centres d'IVG sont créés en 1979. Lieux d'accueil et d'écoute, ils facilitent leur prise en charge. Le Mouvement Français pour le Planning familial, créé en 1956, propose également un accompagnement spécifique en matière de droit à la contraception, à l'avortement et à la sexualité.

Malgré le vote de la loi, certains mouvements d'opposants comme "Laissez-les vivre" ressurgissent de façon régulière pour exprimer leur désaccord moral.

La question de l'allongement du délai légal pour avorter se repose régulièrement encouragée notamment par des associations féministes. Le débat est à nouveau ouvert, une proposition de loi vient d'être adoptée en première lecture en ce sens.

Cette proposition de loi fait suite aux mesures exceptionnelles votées pendant la période de confinement qui rallonge l'avortement médicamenteux jusqu'à la fin de la 7e semaine de grossesse, c'est-à-dire jusqu'à 9 semaines après la date des dernières règles.

Les circonstances qui conduisent les femmes à se retrouver en dehors des délais légaux sont multiples.

Certaines femmes ne se rendent pas compte qu'elles sont enceintes, parce qu'elles ont des cycles irréguliers, parce qu'elles ne sont pas suffisamment informées, sont confrontées à des difficultés d'accès aux soins…

Souvent, les violences conjugales peuvent rendre compliqué l'accès à la contraception, freiner les démarches de soin. Des femmes, à l'annonce de la grossesse peuvent aussi se retrouver seules suite au départ du partenaire.

Chaque année entre 3 000 et 5 000 femmes, hors délais en France, se rendent dans des pays européens aux législation plus favorables. Le Royaume-Uni prévoit un délai légal de recours à l'IVG de 24 semaines, les Pays –Bas et la Suède offrent la possibilité d'avorter jusqu'à 22 semaines.

Ainsi, seules les femmes les plus aisées peuvent s'offrir « ce luxe ». Lorsque l'IVG a lieu à l'étranger, en plus de l'absence de remboursement, cela occasionne des frais de déplacement, éventuellement d'hébergement, qui ne sont pas accessibles à toutes, en particuliers pour les femmes étrangères non européennes qui sont alors confrontées en plus à des difficultés administratives.

L'allongement du délai légal en France leur permettrait d'être prises en charge près de chez elles, sans être considérées comme « hors la loi ».

La proposition de loi comporte également la suppression de la clause de conscience (existe depuis la loi VEIL) qui permet à un médecin de ne pas pratiquer l'avortement (car contrevient à ses principes) à charge pour lui de remettre à la patiente d'autres noms de confrères/consœurs qui le pratiquent.

Cette proposition de loi s'appuie notamment sur le fait que dans certains territoires, aucun médecin n'accepte de pratiquer des IVG, et dans des CHU ou centres de périnatalité, l'accès à ce droit dépend du niveau d'engagement du/ de la chef.fe de service sur cette question. Si la pratique de l'avortement fait débat au sein du corps médical, cela ne devrait pas constituer une entrave à l'accès à l'IVG pour les femmes.

Alors que de nombreux pays dans le monde durcissent leur législation, la France prend le parti inverse en relançant le débat sur l'allongement des délais. On peut tout de même s'étonner de la position de Marlène Schiappa, ancienne secrétaire d'Etat chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes qui s'oppose à cet allongement. En effet, selon elle, il s'agirait surtout « d'avoir un maillage territorial efficace". Qu'il y ait plus de médecins gynécologues, c'est indispensable, mais ce n'est pas la raison principale qui conduit certaines femmes à se rendre à l'étranger. Les circonstances qui amènent certaines femmes à y recourir sont multiples comme on l'a vu et recouvrent des réalités et des histoires de vie bien différentes.

Comme le disait Simone Veil, "aucune femme ne recourt de gaieté de cœur à l'avortement".

Enfin, si la France est prête à voter l'allongement des délais, apparait indispensable d'allouer un budget suffisant. En effet, en 10 ans, 8% des lieux où se pratiquent les IVG ont fermé du fait de restructurations budgétaires et de fermetures de maternité.

"N'oubliez jamais qu'il suffira d'une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question. Ces droits ne sont jamais acquis. Vous devrez rester vigilantes votre vie durant." Simone de Beauvoir

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