La crise sanitaire liée au COVID-19 a eu de nombreuses conséquences sur les femmes victimes de violences et leur prise en charge.

Afin de pouvoir continuer à assurer leur accompagnement en période de confinement, les CIDFF de la région Ile-de-France ont adapté leurs activités et méthodes de travail au travers du télétravail, des permanences téléphoniques et de la tenue de permanences juridiques dans les centres commerciaux. 

Malgré une campagne médiatique importante de la part du gouvernement sur la lutte contre les violences, dans les faits, les victimes ont pu rencontrer de nombreuses difficultés pour déposer plainte et se faire accompagner. Ces difficultés se sont particulièrement fait ressentir au début du confinement, pour de nombreuse raisons : policiers en sous-effectif, malades, mobilisés sur d’autres missions, absence de formation à la prise en charge des victimes de violences, etc.

Le confinement a complexifié les démarches pour les victimes : fermeture des points d’accès au droit et des permanences physiques, absence possible d’aide à la rédaction des dossiers pour une demande d’aide juridictionnelle (A.J.) [1], etc. Tous ces changements ont limité la capacité des victimes à dénoncer les faits de violences et mener des actions en justice.

 

Pourtant, dès le premier jour du confinement (17 mars 2020), la garde des Sceaux a affirmé, au travers de « plans de continuité d’activité », le caractère prioritaire des violences conjugales et intrafamiliales. L’activité juridictionnelle a été maintenue, afin de permettre la mise à l’abri des victimes, notamment avec les évictions de conjoints violents, du déploiement et de l’utilisation du Téléphone Grand Danger (TGD), ou des interdictions prononcées d’entrer en contact avec la victime.

Les comparutions immédiates et les audiences pour les Ordonnances de Protection ont continué à fonctionner. Dans le département 92, trente-cinq requêtes d’O.P. ont été déposées entre mars et mai 2020, contre vingt-deux sur la même période l’année dernière. Cette augmentation de 37% semble s’inscrire dans une tendance générale sur l’année 2020, probablement liée aux évolutions juridiques. Les O.P., comme les titres de séjour qui arrivaient à expiration pendant le confinement, ont été prolongées de plein droit jusqu’à deux mois après la fin de l’état d’urgence sanitaire (10 juillet 2020). Cette mesure a permis de garantir la sécurité des victimes de violences conjugales et d’éviter de déclencher une nouvelle procédure devant le Juges aux Affaires Familiales (JAF).

Par ailleurs, les CIDFF, comme l’ensemble des associations spécialisées et services de police, ont noté une augmentation des sollicitations pendant et après le confinement. Un nombre important de voisins, témoins des violences, ont ainsi pu signaler des situations inquiétantes. Les CIDFF ont notamment constaté une augmentation importante des violences psychologiques et économiques en lien avec la crise sanitaire. Un certain nombre de travailleuses nous ont appelées pour dénoncer les violences subies par leur conjoint, qui ne voulait pas qu’elles aillent travailler, les accusant de mettre la famille en danger. Cette justification ayant pour objectif de maintenir leur conjointe au domicile, afin de renforcer leur emprise par une dépendance économique accrue.

Enfin, pour les couples séparés, le confinement a pu renforcer les conflits, notamment concernant les enfants : non remise des enfants pendant plusieurs mois sous prétexte de confinement et de risque de contamination de la mère, ou inversement, désengagement total des pères n’ayant pas exercé leur droit de visite et d’hébergement pendant plusieurs mois renforçant la charge mentale et économique des mères seules.

D’autres ont continué à utiliser le moment du passage des enfants pour exercer leur violence sur leur ex-conjointe, et certains, bien qu’ayant une interdiction de contact, ont continué à se rendre au domicile des victimes sachant que les forces de l’ordre seraient mobilisées sur des missions catégorisées comme « plus urgentes ».

Si des dysfonctionnements ont pu persister pendant la crise sanitaire liée au Covid 19, l’ensemble des professionnel.les peut se féliciter de leur capacité à s’adapter afin de poursuivre leur mission d’accompagnement des femmes victimes de violences. Il est d’ailleurs important de souligner une baisse du nombre de féminicides sur la période.

 

Analyse issue de la table ronde organisée par le Centre Hubertine Auclert, le 21 septembre 2020, à laquelle la Fédération régionale des CIDFF d’Ile de France a participé.

 

 

 

[1]L’aide juridictionnelle est une prise en charge par l’État des frais de justice (avocat, huissier, etc.) pour les personnes ayant de faibles ressources.
[2]Créée par la loi n°2010-769 du 9 juillet 20101, l’ordonnance de protection, délivrée par le juge aux affaires familiales, permet à la victime vraisemblable de violences conjugales d’obtenir une mesure de protection pour elle et ses enfants et des mesures relatives à l’exercice de l’autorité parentale ou à l’attribution du logement.